mercredi, mai 03, 2006

Le 1er Mai au Québec : 100 de luttes


L’année 2006 marque le centième anniversaire du 1er mai au Québec. En effet, c’est à Montréal, en 1906, que des travailleuses et des travailleurs soulignent pour la première fois cette journée en défilant dans les rues du centre-ville. L’initiative de cette manifestation revient à un groupe d’inspiration anarchiste, le cercle « Aide Mutuelle », composé principalement de travailleurs et de travailleuses d’origine juive, mais aussi de quelques immigrants irlandais. Pendant plusieurs mois, ils/elles planifient cette action minutieusement. Pourtant, celle-ci failli ne pas avoir lieu. Les ouvriers et ouvrières d'origine juive craignent que leurs camarades francophones et anglophones ne se désistent à la dernière minute en les laissant manifester seul-e-s dans les rues de Montréal. C'est finalement un membre du cercle « Aide Mutuelle », le poète Jack Dorman, qui servit de pont entre les différents groupes linguistiques, permettant à chacun d'eux de compter sur l'appui des autres. Des socialistes et des libertaires francophones, dont Albert Saint-Martin, se joignent à la manif.

À en juger par le compte-rendu publié par le journal La Patrie, cette première manifestation fut couronnée de succès: « la manifestation socialiste a été imposante et par le nombre de manifestants et par l'enthousiasme qui n'a cessé de régner dans les rangs de la longue procession qui a défilé par les rues Sainte-Catherine, Saint-Denis, Craig et Saint-Laurent ». D'après les journaux, entre 500 et 1000 personnes (1) de toutes « nationalités » confondues (Italiens, Roumains, Juifs, Irlandais et Canadiens-français) se sont d'abord réunies vers 19h00 à la Salle Empire au coin des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent avant de se diriger vers le Champ de Mars accompagnées par une fanfare italienne (qui ne sait jouer que la Marseillaise !). Parmi les manifestant-e-s, on retrouve les ouvriers et les ouvrières de la compagnie Bargain Clothing, qui se sont mis-e-s en grève le matin même après que leur patron ait refusé de leur accorder congé pour le 1er mai et de réduire leurs heures de travail. Sur le trajet, les manifestant-e-s s’arrêtent sur la rue Saint-Denis devant l’Université Laval et crient « Vive l'Anarchie! » et « À bas la calotte! », ce qui ne manque pas de susciter la controverse parmi les bourgeois et les étudiants qui observent la scène. À leur arrivée au Champ de Mars, Jack Dorman prend la parole pour dénoncer « le pouvoir des despotes », tout en prédisant « le triomphe du socialisme dans tout l'univers ». Il encourage les participant-e-s à manifester leur solidarité avec trois membres de la Western Federation of Miners accusés du meurtre du gouverneur de l'Idaho. Une quête s'organise séance tenante parmi les manifestant-e-s et rapporte la somme de 8 $.

Cette première célébration du 1er mai marque le début d’une tradition à Montréal. Chaque année, des centaines, voire des milliers de travailleurs et de travailleuses défileront dans les rues de la Métropole malgré la répression qui s'abat progressivement sur eux. Le clergé catholique (le même qui donne aujourd’hui son appui aux manifestant-e-s!) cherche par tous les moyens à interdire toute autre démonstration. Cet appel sera entendu par des étudiants de l'université. Ceux-ci iront par dizaines attaquer les manifestant-e-s réuni-e-s au Champ de Mars le 1er mai 1907 avant que le rassemblement ne soit finalement dispersé par les charges répétées de policiers à cheval. Le même scénario se reproduira pendant plusieurs années sans pour autant freiner l'ardeur des militant-e-s socialistes et anarchistes qui poursuivent néanmoins leurs activités.

Aujourd'hui encore, les anarchistes sont au coeur des luttes pour l'émancipation sociale. Nous souhaitons rendre hommage à toutes celles et ceux qui ont donné leur vie afin que nous puissions toutes et tous vivre un jour libres et égaux. Plus que jamais, le combat continue!
(1) Les organisateurs et organisatrices évaluent pour leur part leur nombre à 1800.