mercredi, mars 01, 2006

À propos de l'internationalisation de l'Amazonie...


Voici une réponse intéressante du ministre brésilien de l'éducation interrogé par des étudiants aux États-Unis. Il est à noter que la presse nord-américaine a refusé de publier ce texte.

C'est en fait un discours du ministre brésilien de l'Éducation, dans le cadre d'un débat dans une Université aux États-Unis. Le ministre de l'Éducation, Cristovam Buarque, fut interrogé sur ce qu'il pensait au sujet de l'internationalisation de l'Amazonie. Le jeune étudiant américain commença sa question en précisant qu'il espérait la réponse d'un humaniste et non d'un Brésilien.

Voici la réponse de M. Cristovam Buarque :

« En effet, en tant que Brésilien, je m'élèverais tout simplement contre l'internationalisation de l'Amazonie. Quelle que soit l'insuffisance de l'attention de nos gouvernements pour ce patrimoine, il est nôtre.

En tant qu'humaniste, conscient du risque de dégradation du milieu ambiant dont souffre l'Amazonie, je peux imaginer que l'Amazonie soit internationalisée, comme du reste tout ce qui a de l'importance pour toute l'humanité.

Si, au nom d'une éthique humaniste, nous devions internationaliser l'Amazonie, alors nous devrions internationaliser les réserves de pétrole du monde entier. Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l'humanité que l'Amazonie l'est pour notre avenir. Et malgré cela, les maîtres des réserves de pétrole se sentent le droit d'augmenter ou de diminuer l'extraction de pétrole, comme d'augmenter ou non son prix.

De la même manière, on devrait internationaliser le capital financier des pays riches. Si l'Amazonie est une réserve pour tous les hommes, elle ne peut être brûlée par la volonté de son propriétaire, ou d'un pays. Brûler l'Amazonie, c'est aussi grave que le chômage provoqué par les décisions arbitraires des spéculateurs de l'économie globale. Nous ne pouvons pas laisser des motifs financiers brûler des pays entiers pour le bon plaisir de la spéculation.

Cela dit, avant qu'on internationalise l'Amazonie, j'aimerais assister à l'internationalisation de tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir à la seule France. Chaque musée du monde est le gardien des plus belles oeuvres produites par le génie humain. On ne peut pas laisser ce patrimoine culturel, au même titre que le patrimoine naturel de l'Amazonie, être manipulé et détruit selon la fantaisie d'un seul propriétaire ou d'un seul pays. Il y a quelque temps, un millionnaire japonais a décidé d'enterrer avec lui le tableau d'un grand maître. Avant que cela n'arrive, il faudrait internationaliser ce tableau.

Pendant que nous discutons, les Nations Unies organisent le Forum du Millénaire, mais les Présidents de certains pays ont eu des difficultés pour y assister, à cause de difficultés aux frontières des Etats-Unis. Je crois donc qu'il faudrait que New York, lieu du siège des Nations Unies, soit internationalisé. Au moins Manhattan devrait appartenir à toute l'humanité, comme du reste Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de Janeiro, Brasília ou Recife. Chacune de ces villes, avec sa beauté particulière et son histoire du monde, devrait appartenir au monde entier.

Si les États-Unis veulent internationaliser l'Amazonie, sous prétexte qu'il constitue un risque que de la laisser entre les mains des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout l'arsenal nucléaire des États-Unis. Ne serait-ce que par ce qu'ils sont capables d'utiliser de telles armes, ce qui provoquerait une destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies des forêts Brésiliennes.

Au cours de différents débats, les actuels candidats à la Présidence des Etats-Unis ont soutenu l'idée d'une internationalisation des réserves forestières du tiers-monde en échange d'un effacement de leur dette. Commençons donc par annuler cette dette pour s'assurer que tous les enfants du monde aient la possibilité de manger et d'aller à l'école. Internationalisons les enfants en les traitant, où qu'ils naissent, comme un patrimoine qui mérite l'attention du monde entier. Davantage encore que l'Amazonie. Quand les dirigeants de ce monde traiteront tous les enfants pauvres comme un Patrimoine de l'Humanité, ils ne les laisseront plus travailler alors qu'ils devraient aller à l'école; ils ne les laisseront plus mourir alors qu'ils devraient vivre.

En tant qu'humaniste, j'accepte de défendre l'idée d'une internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera comme un Brésilien, je lutterai pour que l'Amazonie soit à nous. Et seulement à nous ! »